Promenons-nous dans les jardins remarquables

Note de l’éditeur: En Côte d’Or, plongez dans les XVIIe et XVIIIe siècles où la rigueur du clergé rivalise avec les fastes de la noblesse.


Moines et châtelains bourguignons, dans l’est

Rares sont les privilégiés qui peuvent se promener au clair de lune, sous les hêtres et les frênes centenaires, pour revivre l’ultime scène du Cyrano de Bergerac réalisé par Jean-Paul Rappeneau en 1990. Mais il suffit qu’un peu de vent fasse frémir le feuillage pour entendre Gérard Depardieu expirer dans les bras d’Anne Brochet.
 
L’abbaye de Fontenay, joyau cistercien classé à l’Unesco, jouit d’un grand parc paysager niché au cœur d’un vallon boisé. Si les arbres les plus vulnérables, notamment un platane de 40 mètres, ont entendu les moines jusqu’à la Révolution, le jardin a été redessiné en 1996.
 
Pas de pastiche médiéval ici, mais un végétal utilisé comme écrin aux bâtiments monastiques avec des pelouses bordées de topiaires, rosiers, viornes, orangers du Mexique et hydrangeas.
 
Cyrano cède le pas au cousin de Madame de Sévigné, courtisan et écrivain galant, au château de Bussy-Rabutin. Le jardin, lui aussi restauré dans les années 1990, plonge ses racines aux belles heures de l’Ancien Régime. Parterres à la française, bosquets, labyrinthe, douves, pièces d’eau et hautes futaies s’étendent sur un splendide domaine de 34 hectares. Quel panache!

Belvédères exotiques sur la Méditerranée, dans le sud-ouest

Le littoral des Alpes-Maritimes, entre Nice et Menton, captive les botanistes depuis 200 ans. Les visites s’enchaînent sur 40 kilomètres. Avec une quasi-absence de gel et un ensoleillement sans égal en France, la Côte d’Azur a attiré très tôt les Anglais en quête de chaleur. Beaucoup se sont installés sur cette côte hospitalière, important par le goût des jardins luxuriants et des plantes tropicales.
 
Les deux plus beaux parcs de Nice sont pourtant des initiatives municipales bien plus récentes. Le Jardin botanique date de 1983. Pointu dans les sauges et les agaves, il restitue les milieux naturels méditerranéens en 40 zones. Quant au parc floral Phœnix, né en 1990, il mêle avec succès animaux et végétaux sur 7 hectares, du lac à la bambouseraie en passant par les volières.
 
Sous le « diamant vert », une serre pyramidale haute de 25 mètres, six climats tropicaux sont reconstitués avec une collection d’orchidées, de plantes carnivores, de fougères arborescentes … et de caïmans ! Au Cap Ferrat règne une ambiance bien plus aristocratique. En 1905, la baronne Béatrice de Rothchild tombe amoureuse d’un promontoire aride avec vue sur la mer. Elle l’achète et y lance des opérations de terrassement. Quelques années suffisent à créer plusieurs jardins thématiques, alors bichonnés par trente employés habillés en marins. Au centre, trône le petit palais Ephrussi, d’inspiration, d’inspiration italienne, où l’héritière place ses collections.
 
Elle aménage en façade une perspective à la française avec cascades et bassins, s’imaginant sur le pont d’un bateau. Certains préféreront les entêtants parfums de chèvrefeuille ou d’arum du jardin espagnol, les gargouilles de la partie lapidaire, le pavillon japonais ou la roseraie.
 
À Èze, la forteresse médiévale n’est plus que ruines, mais le jardin exotique, juché à 429 mètres, offre lui aussi une vue spectaculaire sur le littoral et les monts de l’Estérel. Au versant ombragé répond la partie sud, royaume désertique des plantes succulentes.
 
Le microclimat de Menton, à quelques encablures, permet aux citronniers de pousser en pleine terre. De la serre de la Madone au Val Rahmeh en passant par le palais Carnolès, les jardins extraordinaires y sont légion. Les botanistes en herbe y flâneront aisément deux jours avant de poursuivre la comparaison entre les giardini botanici Hanbury, cette fois-ci côté italien, à Vintimille.

Collections végétales en Seine-Maritime, au nord-ouest

Arbres et fleurs ont trouvé un terroir de prédilection en Normandie. Morceau choisi de 85 kilomètres, entre bocage et air marin. Nul besoin de traverser le Channel pour se promener dans un jardin digne du Kent ou du Sussex, il suffit d’aller à Varengeville-sur-Mer, à 10 kilomètres de Dieppe. Les artistes ne s’y sont pas trompés, plébiscitant le village, ses falaises, son cimetière marin et ses belles demeures qui surgissent au détour d’un chemin.

 
Le Bois des Moutiers en est un des fleurons, sorte de mirage Arts and Crafts, déroulant son parc jusqu’à la mer. Ici, tout s’imbrique étroitement : le manoir, ses jardins clos aux plantes choisies pour leur harmonie et les grandes allées boisées. Le sol acide a permis l’épanouissement d’essences rares et lointaines comme des rhododendrons de l’Himalaya, hauts de 10 mètres.
 
Cette terre conjuguée à un climat doux et humide, sied à merveille aux hydrangeas. Depuis 1984, Corinne Mallet, botaniste, en a réuni 1 200 variétés, souvent japonaises, au sein de la collection Shamrock. Ce jardin, lui aussi à Varengeville-sur-Mer, explose d’hortensias de tous les teintes et de toutes les formes, organisés en labyrinthe ou en plates-bandes dans un sous-bois. Qui dit Normandie dit aussi châteaux, et presque toujours grands jardins soignés. Un joli trio, bien distinct dans ses particularités, s’aligne sur une cinquantaine de kilomètres en direction de Rouen. Miromesnil ouvre le bal avec son potager où les sages carrés de légumes et de fleurs à couper se font bousculer par de foisonnantes bordures. Dans le parc, le cèdre du Liban domine une forêt de 3 000 hêtres. L’amour des arbres se retrouve au château du Bosmelet: la double allée de 162 tilleuls, plantée par le jardinier Le Nôtre, serait la plus longue d’Europe.
 
À Bois-Guibert, ce sont les sculptures qui s’épanouissent parmi 7 000 arbres et arbustes. Sur 7 hectares, Jean-Marc de Pas, sculpteur et maître des lieux, a installé 70 de ses œuvres figuratives pour créer des harmonies avec le paysage. La même poésie prévaut au jardin Plume, à 17 kilomètres. Point de château ici, mais une belle pépinière où se fournir et une ancienne pâture à mouton métamorphosée, où fleurs et graminées aident à se sentir léger, léger…

Duel francilien, en région parisienne

Deux parcs des Hauts-de-Seine représentent les conceptions française et anglaise. Le château de Colbert n’est plus, remplacé par un autre au XIXe siècle, les cascades ont été refaites dans les années 1930, mais les perspectives à la française, voulues par Le Nôtre, demeurent. D’autant que de somptueuses broderies végétales ont été recrées en 2013. La promenade à Sceaux parmi les parterres et les statues prend vite un goût versaillais, la foule et le ticket d’entrée en moins. De l’allée de cèdres aux cerisiers du Japon, les surprises abondent.

 
Dans la commune voisine de Châtenay-Malabry, l’arboretum de la Vallée-aux-Loups concentre 500 espèces d’arbres remarquables, disséminées à l’anglaise parmi les fabriques, ou réparties par genres : châtaigniers, aulnes, fruitiers, bonsaïs… Mais la star, c’est le cèdre bleu pleureur de l’Atlas, qui déploie sa ramure sur 14 mètres de haut et 700 m². Fruit d’une mutation, il y a 120 ans, il est à l’origine d’une nouvelle espèce !

L’orient en Anjou, dans l’ouest

À 13 kilomètres de Cholet, dans le Maine-et-Loire, Maulévrier affiche des couleurs de soleil levant. Le brouillard matinal stagne ? Le parc oriental n’en sera que plus poétique et proche de la sensibilité japonaise. Créé au début du XXe siècle par l’architecte orientaliste Alexandre Marcel, propriétaire du château voisin, le parc de 29 hectares revient de loin après quarante ans d’abandon.

 
Aux dires des spécialistes, c’est pourtant un parfait exemple des jardins japonais de la période Edo (XVIIe au XIXe siècles) et le plus grand du genre en Europe. Il se concentre autour d’un étang traversé d’est en ouest par la rivière La Moine. 400 espèces de plantes marquent les saisons et le cycle de la vie. Un petit temple khmer renforce l’exotisme des pont et portique peints en rouge.

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