Les gorges de l’Allier : le sillage vert

Sud de l’Auvergne ou nord du Languedoc ? Entre Margeride et Devès, survivance des dernières éruptions volcaniques, les gorges de l’Allier enserrent l’un des fleuves les plus indomptables de l’Europe.

Comme la Loire, dans laquelle il se jette au Bec d’Allier, près de Nevers, l’Allier est considéré comme l’une des dernières grandes rivières sauvages d’Europe. – entendez par là, difficilement domesticable et relativement peu aménagée, et recelant encore une grande richesse écologique.

Une histoire en mouvement

L’Allier jouit d’une dynamique fluviale très active qui remodèle régulièrement ses abords. Par le jeu de l’érosion, de la sédimentation et des crues, ses rives présentent une très grande diversité des milieux naturels qui s’imbriquent de façon tout à fait originale. Des formations d’âges très différents peuvent ainsi avoisiner, témoins d ‘un passage antérieur du lit du fleuve.

L’étude des anciens tracés vient confirmer qu’il a imposé sa volonté au paysage. Cette liberté le fait redouter de ses riverains. Sujet aux fortes crues, il ne se laisse pas facilement naviguer. Plus il va vers l’aval, et plus il donne sa mesure. Cela est dû au nombre important des affluents qui viennent le grossir, mais aussi au fait que le relief a longtemps bridé son énergie.

La turbulence de la jeunesse

L’Allier prend sa source en Lozère , à 1 485 m d’altitude, au pied du Moure de la Gardille. À peine descendu de sa montagne, il pénètre dans une vallée très encaissée, entre le plateau basaltique du Devès à l’est et le massif granitique de la Margeride à l’ouest : les gorges de l’Allier. Tel un torrent, il dévale des pentes pouvant dépasser 1 %, se heurtant aux rochers affleurants. Il ne peut donc se livrer qu’à une seule activité : charger et transporter les sédiments des versants.

Ce n’est qu’à partir de Langeac su’il commencera à en déposer une partie dans les zones d’élargissement qui alternent avec les méandres encaissés. Arrivé dans la plaine alluviale, à partir du Pont-du-Château, il libérera enfin toute son énergie.

Si les gorges dans lesquelles l’Allier a commencé sa course lui ont donné tant de fil à retordre, c’est qu’elles proviennent des dernières activités éruptives du Massif Central, sous l’influence de la poussée alpine.  Sa vallée, comme celle de la Loire sa voisine et futur confluent, dont la sépare le plateau basaltique du Devès, est donc une vallée « jeune » : quelque 600 000 ans. Bien trop peu pour que le relief se soit assagi sous l’effet de l’érosion. Les gorges, abruptes et tourmentées, ne s’offrent pas plus facilement au randonneur qu’à la rivière.

La meilleure façon de rouler

Découvrir les gorges exclusivement à pied, cela nécessite du temps… En voiture, tous les sites ne sont pas accessibles. Reste à emprunter un moyen de locomotion malheureusement un peu tombé en désuétude : le chemin de fer.

Cela permet de ne rien manquer des curiosités d’un paysage aussi impressionnant que singulier. Le train touristique entre Langogne et Langeac est qu’un tronçon du Cévenol qui relie Paris à Nîmes en suivant un temps le cours de l’Allier. Au XIXe siècle, sa construction représenta une prouesse technique.

Les nombreux ouvrages, viaducs et tunnels ainsi que les petites gares pittoresques qui jalonnent son parcours dans les gorges ajoutent à la richesse du patrimoine culturel. Celui-ci s’enorgueillit de villages médiévaux, dont certains classés, avec leurs églises et châteaux chargés d‹³›Histoire. Des villages souvent en surplomb, comme Alleyras, dont la rudesse est compensée par l’extrême attention portée à leur préservation.

Des pionniers colonisés

Quel que soit le moyen de locomotion choisi, des haltes s’imposent pour observer à loisir une flore exceptionnelle… La forêt tient une place importante dans la vallée de l’Allier. Dans cette forêt dite alluviale, on trouve notamment deux espèces précieuses : le peuplier noir et l’orme lisse. Le premier appartenant aux « pionniers » qui donnent, avec les saules, le signal de la végétalisation des berges. On trouve en Auvergne des peupliers noirs plus que centenaires, inscrits au répertoire des arbres remarquables.

Mais l’implantation des peupliers exotiques a provoqué une hybridation qui met quelque peu en péril la souche naturelle. On distingue difficilement l’orme lisse de l’orme champêtre. Épargné par la graphiose, maladie qui ravagea son cousin, le premier atteint parfois des tailles fort respectables. Pour cette raison, comme du fait de sa rareté, il jouit d’une protection.

La flore locale subit la concurrence d’espèces importées pour l’ornementation, et qui ne se sont pas privées de coloniser les berges. La Renouée du Japon; ainsi que sa proche cousine de Sakhaline, portant de longues tiges et de grosses feuilles, méritent leur appellation de plantes « envahissantes » grâce à leur bouturage spontanée et leurs rhizomes très résistants. Elles poussent au mieux sur les terrains dégradés.

Amateurs de vals encaissés

La vallée de l’Allier se distingue par la très grande diversité des espèces animales qui y ont élu domicile. En comparaison, le Haut-Allier en présente un nombre moins important. Mais certaines espèces apprécient précisément ses parties encaissées.

L’écrevisse à pieds blancs, par exemple, qui aime les eaux claires, mesure environ 5 cm à l’âge de 1 ou 3 ans, jusqu’à 12 cm vers l’âge de 12 ans. On apercevra les adultes de juin à septembre, leur activité se réduisant en hiver. Parmi les oiseaux, on rencontrera le cincle plongeur, original à plus d’un titre : seul oiseau chanteur capable de nager et plonger ; doté d’un plumage imperméable qui l’autorise à plonger même en plein hiver ; marchant sous l’eau, complètement immergé.

Le faucon Pèlerin fait lui aussi figure de prodige : on le considère comme l’oiseau le pus rapide. Ce rapace de taille moyenne est à son affaire dans les gorges, qui lui offrent les hauteurs sur lesquelles il aime nicher. Comparé à ses cousins migrateurs, le chevalier guignette présente la particularité de préférer les gorges aux plages de la plaine fluviale. Enfin, parmi les mammifères, le plus étonnant reste le castor. Implanté en 1974 à partir de spécimen du bassin du Rhône, il a gagné depuis 1999 le Brivadois, région de Brioude, aux portes des gorges.

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