Les coccinelles, les bêtes à bon dieu

La bête à Bon Dieu transforme le jardin en coin de paradis. Pour s’attaquer aux pucerons, ennemis des plantations, elle est armée d’une bouche broyeuse, et fait figure d’ogresse.

À l’époque du jurassique, il y a 150 millions d’années, la planète n’était pas dominée par les seuls dinosaures, il y avait aussi les insectes. L’évolution montre que les coccinelles n’étaient pas différentes de celles que l’on rencontre aujourd’hui dans nos jardins. elles portaient déjà des élytres rouges. D’où leur classification dans la famille des Coccinellidae, mot latin qui signifie « petite graine rouge ».

Mais toutes les coccinelles ne sont pas rouges à points noirs. elles se présentent également en jaune et noir, et le nombre de points noirs varie de deux à vingt-quatre. Les plus connues sont la coccinelle à sept points Coccinella septempunctata et la coccinelle à deux points Adalia bipunctata. Cinq mille espèces sont recensées dans le monde, dont une centaine en Europe.

Un pied articulé

Les coccinelles appartiennent à l’ordre des coléoptères – le plus important puisqu’il renferme 37 % des espèces animales connues. Elles font partie des arthropodes, que l’on reconnaît à trois caractéristiques. Tout d’abord, le corps est constitué d’une succession d’anneaux articulés les uns aux autres. Ensuite, il est ceint d’une cuticule rigide, constituée de chitine. enfin, les pattes sont formées de segments articulés.

Ce détail a donné le nom à l’embranchement « arthropode », qui signifie « pied articulé ». la bête à Bon dieu n’a aucun secret pour les savants qui ont observé son corps à la loupe. Elle est décrite comme un coléoptère terrestre à élytres couvrant tout l’abdomen : antennes courtes, renflées en massue, insérées le plus souvent sous un rebord de la tête. Les tarses se composent de quatre segments, le troisième étant si petit qu’il est caché par le second. Les palpes maxillaires, plus courts que les antennes, se terminent par une sorte de hache. On ne connaît aucune autre famille du monde animal réunissant la totalité de ces caractères.

Une tête rétractile

Ajoutons encore une forme ronde ou ovale, une tête rétractile sous le pronotum, un thorax plus large que long, un abdomen à dix segments, dot cinq à sept visibles du dessous, des membres courts. Le thorax résulte de la fusion de trois anneaux portant chacun à la face ventrale une paire de pattes, et une paie d’ailes sur les deux derniers anneaux.

Cette partie du corps est la centrale énergétique de l’insecte : des muscles puissants actionnent les pattes et les ailes. Onze segments composent l’abdomen, relativement mou et peu visible. Le dernier anneau permet de déterminer le sexe : en arc de cercle, c’est une femelle, s’il présente une indentation, il s’agit d’un mâle.

La coccinelle possède deux grands yeux composés, une bouche encadrée de pièces buccales broyeuses. C’est ce qui lui permet de consommer une quantité incroyable d’ennemis de plantations. On distingue les coccinelles aphidophages – qui se nourrissent de pucerons – de celles qui mangent des cochenilles.

Une grande vorace

Dès avril, les coccinelles, qui ont perdu 50 % de leurs réserves durant la saison hivernale, vont se rassasier dans les pommiers, les orties… Elles arpentent troncs et branches, se gorgent de pollen, parcourent les pelouses, dénichent des pucerons sur les véroniques petits-chênes ou les lamiers pieds-de-poule, en train de se délecter du miellat des fourmis.

Dans les plantes herbacées, les arbres à feuilles caduques ou résineux, les coccinelles poursuivent leur traque incessante. Sait-on que ces petites bêtes à Bon Dieu sont capables de s’engouffrer chaque jour un minimum de 200 pucerons, le tout avalé, décomposé dans un tout petit corps de 5 à 10 mm, et de la moitié de 1 g ?

La prédatrice ne ménage pas ses proies. elle saisit le puceron par un tibia, découpe un fragment, et par la blessure, aspire les chairs de  l’homoptère. On voit alors  le puceron se dégonfler tel un ballon de baudruche, pour reprendre sa forme initiale, mais en quelques secondes, il est vidé de son contenu.

Les pontes a découvert

Les coccinelles mâles ne sont guère affamées et préfèrent chercher les femelles. Celles qui ont survécu  à l’hiver vont cesser de vivre. Mais la descendance est assurée. Les femelles grossissent à vue d’œil tandis que vient le temps des pontes. Contrairement à la plupart des coléoptères, qui recherchent des abris sur la litière des feuilles; le bois; les champignons, les coccinelles pondent à découvert sur les feuilles, tiges ou écorces.

Les œufs sont blanchâtres, jaunes ou orange au début, puis s’assombrissent. Ils sont disposés en groupe compacts de 2 à 100, à proximité immédiate des sources de nourriture. Dix jours plus tard, on observe les premières larves. En principe, le délai de l’éclosion est fonction de la température : une larve naît au bout de 3 jours par 35° C, mais seulement après 10 jours par 15° C.

On distingue quatre stades larvaires. La nymphe est déjà capable de réagir aux stimuli tactiles. Selon les spécialistes, ce comportement serait une adaptation contre les parasites et les prédateurs. L’adulte met seulement quelques minutes à sortir de son étui.

À la vue des prédateurs

Dans les feuillages, les coccinelles sont facilement repérables. Avec la brillance de leurs corps et le contraste avec ses points, taches noires sur fond rouge, jaune, beige, ou bien encore crème sur fond marron, les coccinelles ne sauraient passer inaperçues. Ce détail est paradoxal dans le monde animal, qui, pour assurer sa défense contre l’ennemi, a recours à des astuces comme le camouflage.

Or la coccinelle s’expose au regard des oiseaux, comme les mésanges, les martinets ou les hirondelles de fenêtre, qui passent pour ses plus grands ennemis. Elle s’offre à l’appétit des invertébrés, comme les insectes, araignées. Certaines punaise carnivores attaquent des coccinelles, sucent leur hémolymphe, des araignées les capturent dans leur toile. Enfin, certaines coccinelles pratiquent le cannibalisme.

Une subtile stratégie

La couleur voyante des coccinelles semble les condamner et les offrir en pâture aux prédateurs. Mais la couleur verte, qui se confondrait avec les feuillages, ne serait pas un meilleur rempart. Car les oiseaux, qui volètent dans les branches, happent tout autant des insectes verts au mouvement rapide. En réalité, la coccinelle utilise une stratégie subtile.

En étant très voyante, elle avertit du danger qu’elle représente. Lorsqu’une mésange picore frénétiquement sur une branche, la coccinelle s’immobilise, se plaque contre la feuille. Alors quatre gouttes d’un liquide jaune à l’odeur âcre sourdent des articulations des dernières paires de pattes. C’est la saignée réflexe.

Ce liquide sécrété en situation de danger dégage une odeur âcre. Il provient d’une molécule de la famille des pyrazines. Le goût désagréable est dû à un alcaloïde, appelé coccinelline chez la coccinelle à sept points, mais adaline chez la coccinelle à deux points et la coccinelle à dix points qui toutes deux appartiennent au genre Adalia. C’est ainsi que, dans la nature, un prédateur associe la couleur vive du butin au goût insupportable.

La lutte biologique

Pour le reste, la coccinelle, inoffensive, suscite toujours la sympathie chez l’homme. elle demeure sur la paume de la main lorsque’on la saisit avec délicatesse, se laisse poser pareillement sur un feuillage.Bien peu d’espèces animales bénéficient de ce privilège auprès des bipèdes prédateurs. Elle est l’amie des jardiniers, et son rôle dans la lutte biologique tant en Europe que dans certains pays d’Afrique en voie de développement, lui vaut d’être désignée comme étant la bête à Bon dieu. ou la bête à Martin, etc.

Rien que pour cet insecte, on compte 329 noms vernaculaires issus de 55 langues différentes, dont près de la moitié se réfèrent à la région. Un quart environ évoquent la Vierge Marie, plus de 50 sont liés à Dieu et beaucoup d’autres aux saints. Et lorsque la coccinelle n’évoque pas le Tout-Puissant, elle annonce l’amour, la fertilité à ses admirateurs.

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