Les araignées, victimes de nos peurs

Son corps velu, ses huit pattes véloces et ses yeux surnuméraires impressionnent… Mais l’araignée ne manifeste jamais la moindre agressivité, et a même la bonté de nous débarrasser des mouches et moustiques.

Qu’on se le dise : l’araignée n’est pas un insecte. Cela se confirme par le fait que son corps se compose de deux segments et qu’elle possède huit pattes. Les araignées appartiennent au groupe des arthropodes, à l’instar des crustacés et des myriapodes.

Sous une armure

Belle et nombreuse famille que ces arthropodes : elle compte plus d’un million d’espèces ! Vénérable, également, puisque ses plus anciens ancêtres connus peuplaient déjà les mers il y a 600 millions d’années. De cette filiation, les arthropodes ont gardé une caractéristique essentielle, leur carapace, en fait un exosquelette. Une protection si efficace que les hommes s’en sont inspirés pour créer les armures. Cet exosquelette a le désavantage de ne pas grossir en même temps que le corps de l’animal, l’obligeant à muer à plusieurs reprises.

Les arthropodes possèdent aussi des antennes- sauf, justement , les arachnides, auxquels appartiennent, outre les araignées, les scorpions et les acariens…Rien que des mal-aimés, on le constate ! Si cela peut se justifier concernant les acariens, essentiellement des parasites et des vecteurs de maladies, scorpions et araignées ne méritent ce sort, eux qui concourent à l’équilibre écologique en se nourrissant d’insectes.

Impressionnante anatomie

Au sein de la classe des arachnides, les araignées forment l’ordre des Aranae. Ce dernier se subdivise en deux sous-ordres : les Mesothelae, dont les membres sont des espèces primitives de l’Asie; et les Opisthothelae, constitués des infra-ordres des Mygalomorphae  (mygales) et des Araneomorphae (les espèces modernes). Au total, quelques 40 000 espèces.

Il faut avouer qu’en présence d’une Theraphosa leblondi – la plus grosse des araignées , jusqu’à 30 cm – ou même en observant au microscope une Patu marplesi – la plus petite, 0.5 mm-, on peut ressentir un frisson… La bestiole décourage définitivement toute velléité d’anthropomorphisme ! Son corps entièrement recouvert de poils se composent de deux parties, mais c’est la partie antérieure – le céphalothorax- qui porte tous ses attributs : de zéro à quatre paires d’yeux, pour une vision médiocre dans tous les cas; deux appendices en forme de pince, les chélicères ; deux pattes mâchoires, les pédipalpes ; quatre paires de pattes marcheuses. Dans l’abdomen, nettement plus gros, se tient « l’atelier de fabrication » du fil à soie, qui va servir pour les cocons, qui contiennent les œufs, et le cas échéant pour le tissage de la toile.

Une chasseresse en action

Toutes les araignées sont prédatrices ; elles capturent leurs proies vivantes. Mais toutes n’usent pas de toiles. Certaines espèces chassent à la poursuite, comme les Lycosidae ou les Salticidae. On les voit courir sur les sols, les murs ou les branchages. Pour repérer leurs proies, elles utilisent moins leurs yeux que des capteurs situés sur les pattes, surtout concernant les nocturnes comme les Clubionidae ou les Gnaphosidae.

D’autres chassent à l’affût en se postant à un point stratégique comme les Thomisidae, qui possèdent la capacité de prendre la couleur du support sur lequel elles se posent. Quelle que soit la stratégie, l’affaire se conclut de la même façon : l’araignée fond sur sa proie, la saisit avec ses chélicères et la mord avec les crochets situés au bout de ceux-ci. Fin de la partie pour l’adversaire, immobilisé par le venin. La chasseresse passe à la dégustation, assez laborieuse puisqu’elle doit liquéfier son repas, qu’elle prépare à cet effet en le manipulant avec ses pédipalpes.

Du grand art

Beaucoup d’espèces construisent ce piège à insectes imparable : une toile. Elles produisent leur soie à l’intérieur de leur abdomen. Celle-ci est secrétée , sous forme liquide d’abord, et stockée dans des poches ventrales. Elle passe ensuite dans un canal en forme de « S » de plus en plus étroit, qui la mène aux fusules, pour sortir par les filières, de petits appendices situés sous l’anus. La soie se solidifie en passant dans les filières, grâce à l’action d’ions qui favorisent l’agrégation des protéines qui la composent. Il y a autant de filières que de glandes séricigènes, d’où sortent des fils de qualités différentes, destinés à des usages précis : soie pour emballer les cocons, fils de fixation de la toile, fils de sécurité…

Parmi ces espèces bâtisseuses, l’Épeire diadème, brune avec une croix claire sur l’abdomen, très commune en Europe, se distingue par ses performances. Elle produit 1 mm de fil à la seconde, et tisse une œuvre pouvant atteindre 50 cm, grandeur considérable pour sa petite taille. D’autant que, incapable de la réparer, elle la refait à neuf tous les jours. En outre, alors que des espèces produisent des toiles irrégulières, la sienne atteint une précision mathématique.

Toutes les araignées tisseuses, cependant, procèdent par étapes bien précises…Tout d’abord, elles établissent un cadre, en prenant appui sur ce que le milieu leur fournit. Puis elles tendent des fils pour former une structure radiale, comparable à celle des rayons d’une bicyclette. Elles commencent par faire un « Y », dont le croisement des lignes sera le centre de la toile. Pendues au bout d’un long fil balançoire, elles placent les rayons l’un après l’autre, de façon à équilibrer les tensions et éviter le décentrage, et les consolident en les liant dans un moyeu central tissé serré.

Puis elles tissent un fil en spirale « auxiliaire » du centre vers la périphérie, qui sera ingurgité au fur et à mesure du tissage du fil de capture définitif, de la périphérie vers le centre. Ne reste plus qu’à manger le moyeu, et à le remplacer par des points d’ancrage. Le piège est prêt, et l’araignée y évoluera avec une grande facilité.

Passion fatale

La toile sert, outre à la chasse, à la reproduction. Arrivé à maturité sexuelle, le mâle cesse de s’alimenter, et tisse une petite toile dite « spermatique », dans laquelle il va déposer un peu de sperme issu de son abdomen. Puis il l’aspire et le stocke dans les bulbes copulateurs situés aux extrémités de ses pédipalpes. Le voilà paré pour partir à la recherche d’une femelle.

Il repère les phéromones de la femelle déposées sur sa soie, grâce aux capteurs situés sur ses pattes. Il s’emploie alors à la séduire, ou à la distraire : cadeau, chant ou danse, le rituel varie selon les espèces. Mais la prudence reste de mise car en général, la femelle est plus grosse et plus vorace que le mâle. D’ailleurs, s’il parvient à éviter les crochets à venin de sa belle, avant ou pendant la copulation, le malheureux n’échappe que rarement à la dévoration, madame profitant sans vergogne de son épuisement post-coïdal.

Difficiles à observer

La pratique de l’arachnologie se révèle plutôt compliquée en France? Non seulement, on compte quelques 1 500 espèces d’araignées, mais encore la plupart ont une taille inférieure à 1 cm, ce qui ne facilite guère l’observation. L’araignée, bien que peu farouche, n’apprécie guère la longue station d’un humain juste sous ses pédipalpes ! Il faut donc envisager une capture, chose peu aisée vue la rapidité à laquelle l’animal évolue. En admettant qu’on y parvienne, le résultat ne serait pas à la hauteur des efforts déployés. Une identification précise nécessite en effet l’étude des organes génitaux, ce qui s’avérera fort difficile sans sacrifice.

Observer des espèces de grande taille serait plus commode, mais on n’en trouve que trois en France : la lycose de Narbonne, proche parente de la tarentule, vit dans des terriers dans la garrigue ; la malmignatte, cousine de la veuve noire, noire à pois rouges, méditerranéenne elle aussi, apprécie davantage le voisinage des maisons : la ségestrie florentine, présente sur tout le territoire, trouve abri dans des trous de murs.

Bien qu’elles ne grouillent pas et ne manifestent aucune agressivité, elles sont potentiellement dangereuses, mais non mortelles, pour l’humain. Mieux vaut, sans doute, éviter de les déranger !

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