Les abeilles, des sentinelles en péril

Les abeilles travaillent avec acharnement, nous offrant le miel et la propolis, œuvrant sans relâche pour la biodiversité… Paradoxe étonnant, c’est en ville que l’abeille est le mieux protégée.

Les abeilles volent à la recherche d’un abri, un endroit sans vent, un havre de paix. Murs écroulés, anfractuosité de rocher, troncs creux, fenêtres à la campagne : les ruches sauvages fleurissent n’importe où. Reste à construire les rayons de cire et couvains. À force de labeur, l’abeille crée sa propre demeure.

Dès le printemps, on entend le bruissement d’une nuée d’abeilles dans le ciel d’azur. Guidées par les éclaireuses, elles se posent, accrochées les unes aux autres, se fiant aux abeilles dites « appeleuses », toutes agglutinées. C’est l’essaim; suspendu à une branche, parfois à quinze mètres de hauteur, il ressemble à une gigantesque grappe. Compact, rond comme un pamplemousse ou ovale comme un ballon de rugby, l’essaim ne passe pas inaperçu. Cet agglutinement porte bien son nom : « paquet d’abeilles ».

Paysages et miels

L’abeille butine dans des paysages variés. En montagne, dans le milieu méditerranéen, les étendues de grandes cultures, en plaine…sans oublier les villes, à Paris, sur les toits de l’Opéra Garnier ou de l’Opéra Bastille. Telle est l’explication des différents miels : d’aubépine, de châtaignier, d’acacia, de bruyère, de framboisier. Les plus rares viennent des ruchers de montagne.

On savoure aussi le miel de Méditerranée. Le pollen est prélevé dans les garrigues, maquis, forêts de chênes verts résineux. Fleurs d’amandier, de romarin, de buis donnent aussi une belle couleur au miel ! Enfin, on a le miel de grande culture. Fleurs de colza, de tournesol, de maïs, aux arômes si particuliers.

En plaine, à moins de 600 mètres d’altitude, la flore pousse dans les vallées, bocages, coteaux et collines. C’est donc là que la gamme des miels est la plus étendue. Chaque année, dans l’Hexagone, 4 000 apiculteurs produisent 30 000 tonnes de miel dans 1,5 million de ruches.

Au cœur de la ruche

Dans cette société très organisée, qu’est la ruche, chaque individu doit accomplir un travail. La tâche de l’ouvrière varie en fonction de l’âge et ses métiers sont multiples. Tout d’abord, elle est technicienne de surface. Dès le troisième jour de sa vie, elle nettoie les cellules – 80 000 par ruche -, ôte les salissures. Une seule chambre requiert la coopération de 15 à 30 ouvrières pendant une quarantaine de minutes.

Durant trois à six jours, parfois seize jours, l’ouvrière remplit le rôle de nourrice. Elle évalue la ration selon l’âge d’une larve et lui rendra visite 1 300 fois la journée ! Lorsque la nourrice a les glandes cirières bien développées; à dix jour d’existence, elle extrait la cire à partir du miel. Il faut construire cellules et rayons.

En six heures, la cellule est achevée. Mais il a fallu l’aide d’une centaine de bâtisseuses. Il reste alors à évacuer les débris, ranger le pollen rapporté par les butineuses, réceptionner le nectar. L’ouvrière devient receveuse. mais dans la ruche, le travail d’intérieur ne suffit pas.

Travailleuses et polyvalentes

À 18 jours, l’ouvrière travaille dehors : postée à l’entrée de la ruche, face au trou de vol, elle bat des ailes. Métier ? Ventileuse. L’hiver, l’abeille est chauffeuse. Elle se mêle à la grappe d’abeilles rassemblées au centre de la ruche. La température minimale garantie est de 13 ° C. Puis la voici gardienne. Haro sur les guêpes, frelons, fourmis, oiseaux, souris ! À l’âge de 2 à 3 semaines, têtes et pattes antérieures relevées, elle repousse l’attaquant. Puis elle devient butineuse.

Son premier vol a lieu à 15 jours. la durée ne dépasse pas 5 minutes pour une distance de 10 km , ce qui équivaut à 1 300 km pour un homme. Lors de son apprentissage, la butineuse fait du repérage. Lorsqu’elle est en vol, rien ne lui échappe. Son champ de vision est proche de 360 ° C. Les images défilent dans sa tête à la vitesse de 300 par secondes !

Certes l’abeille ne voit pas le rouge, mais le violet et le bleu lui sont familiers. Néanmoins avec ses deux gros yeux latéraux ou composés comprenant chacun 4 000 à 5 000 yeux simples, elle a de quoi voir et l’horizon est vaste.

Un insecte surdoué

Voir, entendre, goûter, sentir… L’abeille possède le sens de l’orientation et le sens du temps. Lorsqu’elle visite les fleurs, qui sécrètent le nectar à des moments précis, elle choisit ses heures, comme si elle était pourvue d’une horloge interne. L’abeille est une véritable mathématicienne.

Pour s’orienter, elle effectue des mesures toutes les 40 minutes afin de connaître la position du soleil. De plus, elle a la chance d’avoir une mémoire fabuleuse. Trois visites lui suffisent pour retenir la couleur d’une fleur. Température, humidité, gaz carbonique… L’abeille capte chaque détail. Ses deux antennes, munies de sensilles en forme de poils, sont équipées de détecteurs .

Quelle énergie ! Minuscule avec ses 80 mg, elle s’impose une charge de pollen de 70 mg, atteint une vitesse de vol de 20 à 30 km/h et fait des pointes à 60 km/h. Ses ailes battent 4 à 5 000 fois par secondes ou 30 000 fois par minute. Au total, l’abeille aura parcouru 400 km au cours de son existence. Elle meurt épuisée… après avoir produit en tout 7 grammes de miel.

La reine à l’ouvrage

La reine n’a pas le même labeur que l’ouvrière, mais elle ne chôme pas pour autant. Au lieu de vivre cinq semaines, comme toutes ses sœurs, elle œuvre pendant quatre à cinq ans. Longue de 2 cm, la reine habite dans une grande cellule, entourée de sa cour. Ses dames d’honneur la réchauffent en hiver, la lèchent, la bichonnent. Toutes les demi-heures, elles la nourrissent à l’aide de leurs antennes et de leurs pattes antérieures. Le repas dure trois minutes.

Avec son abdomen en deux fois plus volumineux que les autres abeilles, la reine se destine à perpétuer l’espèce. À peine revenue de son vol nuptial, elle pond au rythme d’un œuf toutes les 45 secondes, ce qui représente chaque jour son propre poids . Elle sera mère de 250 000 bébés abeilles.

Les menaces sur l’abeille

Mais l’abeille a beau travailler pour la biodiversité et la survie de l’homme, elle n’en est pas moins sérieusement menacée. Comme tous les êtres vivants, elle craint les maladies : la varroase, la fausse teigne, les maladies infectieuses et contagieuses comme la loque.

Dans la nature elle a aussi bon nombre d’ennemis : la mésange, l’hirondelle, les couleuvres et lézards, les insectes tels les coléoptères, qui mangent les butineuses, le blaireau,, la martre, l’ours, et surtout l’homme, son plus grand prédateur. Cela fait pourtant plus de soixante millions d’années que l’abeille est sur Terre puisqu’elle est apparue au moment de l’apparition des plantes au Crétacé. Elle appartient à l’ordres de Hyménoptères et fait partie des Apidés, qui compte Apis mellifera, espèce présente en Europe, en Afrique, au Porche-Orient. Elle regroupe 26 sous-espèces, dont l’abeille noire, ainsi surnommée par les apiculteurs, et désignée sous le nom savant d’Apis mellifera mellifera.

Il s’agit en fait d’une race géographique, car elle diffère d’une région à l’autre. Il existe en effet des populations écotypiques, qui se sont adaptées à des conditions climatiques et florales particulières. On voit par exemple, l’automne venu, l’abeille des Landes butiner les fleurs d’une bruyère callune, alors que dans les autres coins de France, l’abeille cesse son activité. Travailleuse matinale, l’abeille noire profite de la rosée dès 7 heures, pour récolter l’eau nécessaire à la ruche – alors que bon nombre d’espèces d’abeilles ne sortent pas à l’extérieur si la température est inférieure à 11 ° C.

Protéger l’abeille noire

C’est ainsi que des associations d’apiculteurs s’appliquent à sauvegarder certains écotypes et, avec la collaboration des scientifiques, ont crée des conservatoires d’abeilles noires. Ces établissements ont vu le jour dans les landes, le Var, la Savoie, la Bretagne ou la Normandie. Bon nombre d’apiculteurs viennent au secours de l’abeille.

Le Conservatoire d’Ouessant, représenté par l’Abeille noire Bretonne, situé à 18 km du continent, a un atout : sur l’île, l’abeille est protégée contre les virus et la varroa et contre les pesticides.

Par insémination artificielle, des reines naissent, ce qui permet de renouveler les souches. Jadis cette abeille peuplait la France et s’était bien adaptée aux conditions climatiques et sanitaires locales.

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