Le parc du Mercantour, des monts et merveilles

Le parc national du Mercantour étire son relief tourmenté contre la frontière italienne, à 20 km à vol d’aigle de la Méditerranée. Une dizaine de sommets dépassant les 3000 mètres et le climat privilégié des Alpes du Sud en font le rendez-vous des randonneurs et des amateurs de vie sauvage.

Créé en 1979, le Mercantour est l’un des parcs les plus fréquentés de France. Un intérêt qu’il doit autant à sa situation privilégiée, facilement accessible depuis la Côte d’Azur, qu’a ses paysages contrastés de hautes montagnes rocailleuses, de vallées cloisonnées aux pentes escarpées, de cirques glaciaires piqués de lacs bleus ou verts, de vastes alpages et de forêts épaisses, de torrents limpides creusant des gorges sculpturales…

Autour d’une zone centrale inhabitée de 68 500 ha, le Parc héberge à peine 18 000 résidents permanents, répartis sur 28 communes et 146 500 ha. Mais chaque année, ce sont quelque 800 000 visiteurs qui sillonnent le territoire, parcourant ses 600 km de sentiers balisés ou admirant ses villages perchés aux nombreuses églises romanes ou baroques, décorées de fresques et de peintures admirables.

Des crêtes de l’Argentera aux canyons du pays niçois

Noyau central du territoire, le massif de l’Argentera – Mercantour est un massif cristallin puissant et compact formé il y a 350 millions d’années au fond de la chaîne hercynienne, qui s’est soulevé à l’ère Tertiaire en dressant ses couches parallèles de gneiss, de micaschistes et d’amphibolites. Les plus hauts sommets – mont Clapier – 3045 m), cime de Gelas (3143 m), cime de l’Agnel (2927 m), mont Malinvern (2938 m) – y matérialisent la frontière italienne.

Au nord-est s’y ajoute un ensemble plus ramassé où s’ouvrent les vallées du Verdon, du Var, de la Tinée et de l’ubaye, la seule rivière à couler vers l’ouest. Là émergent le mont Mounier (2817 m) et une puissante barrière de hautes crêtes : le mont Tenibre (3031 m), le rocher des Trois-Evêques (2868 m), le mont Pelat (3051). au sud-est enfin s’étend la zone subalpine, plus récente, une moyenne montagne de calcaires clairs vigoureusement plissée, marquée ici d’entablements aux allures de châteaux-forts naturels- à Gialorgues au lac d’Allos -, là d’affleurements de gypse – à Sospel ou Breil-sur-Roya-, ou de « cargneules ».

Des torrents tumultueux, dont les crues liées aux pluies ou a la fonte des neiges sont brutales et imprévisibles, s’y incrustent en gorges et canyons spectaculaires. Par leurs vallées orientées au Sud, l’influence méditerranéenne remonte loin en altitude et multiplie les micro-climats : on note l’opposition fortement marquée entre adrets et ubacs, mais aussi la vigueur des forêts et pelouses baignées de vents marins humides et tièdes.

La montagne des hommes

On a décrit le Mercantour comme « un bloc fermé, décomposé en cellules à peu près imperméables, un des coins les plus clos, les moins aisément pénétrables que recèlent les Alpes occidentales » Pour malcommode qu’il soit, ce cloisonnement en a aussi fait le plus sûr des refuges pour l’homme, qui depuis des millénaires a façonné le paysage du massif : des pétroglyphes néolithiques de la vallée des Merveilles aux forêts, pâturages et cultures en terrasses occupant chaque pente, en passant par les villages médiévaux perchés sur leurs pitons rocheux.

La région, qui a vécu en semi-autarcie jusqu’à son rattachement à la France, au milieu du XIXe siècle, n’a commencé à se dépeupler que lorsque les nouvelles liaisons -routes, chemins de fer ou tramways – ont rompu son isolement, en même temps que le développement de la Côte d’Azur créait un formidable appel d’air.

La montagne a perdu en un siècle la moitié de ses habitants. Si la tendance est désormais inversée grâce à l’essor du tourisme et des loisirs, le déclin de l’agriculture, qui constitue à travers l’élevage et la sylviculture un outil essentiel de conservation des milieux naturels, demeure une préoccupation pour les responsables du Parc.

Difficile en effet de concilier aujourd’hui l’activité pastorale originale du massif, fondée sur la transhumance d’immenses troupeaux de brebis – environ 85 000 têtes passant l’été dans les hauts pâturages de la zone centrale -, et la préservation d’une faune sauvage dont le loup – revenu en 1992 sur ces terres dont il avait été chassé au siècle dernier – est le représentant emblématique et controversé.

Une faune et une flore exceptionnelles

Le loup n’est pas – loin s’en faut – l’hôte le plus commun du Mercantour, et les chances pour un promeneur d’en percevoir la présence sont fort minces. En revanche, il n’est pas rare de croiser un chamois et d’entendre siffler les marmottes.

Le mouflon, introduit en 1950, et le bouquetin, familiers des éboulis d’altitude, le cerf, le chevreuil et le sanglier dans les forêts, l’aigle royal, le circaète et le gypaète barbu aux vols planés spectaculaires s’observent également, tandis que prospère plus discrètement une faune furtive: hermines, chauves-souris, hiboux grand-duc, ou ces casse-noix mouchetés de la taille d’un passereau qui sonnent l’alerte au moindre mouvement dans les mélézins…

Tous les étages de végétation, depuis l’olivier méditerranéen jusqu’aux pelouses alpines, en passant par les grandes forêts de résineux, sont également représentés sur le territoire, avec de multiples variantes dues aux microclimats, grâce auxquels thyms et lavandes colonisent jusqu’aux hautes vallées. Entre 600 et 1100 mètres, l’étage collinéen est dominé par les feuillus : chênes verts ou pubescents, châtaigniers en terrasses, et même en vallée de Tinée une espèce originale originaire d’Europe orientale, le charme houblon. Le mélèze, favorisé par l’homme, domine à l’étage montagnard.

Au total, sur les 4200 espèces de plantes connues en France, près de la moitié sont représentées dans le parc, y compris des fleurs rares telles que l’edelweiss, le lys martagon ou la joubarbe; et 63 sortes d’orchidées. Parmi les espèces endémiques – une quarantaine en tout – la plus fameuse est la saxifrage à fleurs multiples, emblème du Parc. par bonheur, elle niche dans des falaises si inaccessibles, entre 2000 et 3000 m d’altitude, que son existence n’est guère menacée.

Des hauts-lieux à découvrir

Parmi les missions du Parc National figure en bonne place l’aménagement de quelques sites majeurs, soumis en raison de leur paysage spectaculaire ou de leur intérêt patrimonial à une fréquentation touristique intense. La gageure consistant alors à concilier impératifs écologiques et économiques…
La vallée des Merveilles et ses mystérieuses gravures rupestres en sont l’illustration : jadis libre d’accès, ce qui a entraîné vandalisme et détérioration, elle a été classé Monument Historique en 1969, et se trouve désormais sous bonne garde.

D’autres hauts-lieux n’ont pas nécessité des mesures aussi radicales. ainsi le lac d’Allos, considéré avec ses 54 ha comme le plus grand lac d’altitude des Alpes, la boucle routière de l’Authion (9km) et sa ribambelle de forts militaires, le circuit du col de la Bonnette, sur la plus haute route d’Europe et son point de vue imprenable à 2802 mètres, la Madone de la Fenestre, à la fois pèlerinage traditionnel et point de départ de courses comme l’ascension du mont Gélas, ou encore le Boréon, à l’extrémité de la vallée de la Vésubie, où est ouvert le centre Alpha, dédié à la découverte du loup.

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