Le massif du Jura, pays d’eau et de bois

Le massif du Jura offre un visage double : un relief aride, soumis à un climat contrasté réservant des froids spectaculaires. Il est né il y a bien longtemps…

Nous sommes au Jurassique. Il fait chaud au bord de la mer du même nom, où la vie grouille comme aujourd’hui en Mer Rouge… Quand une formidable poussée se produit au sud : celle du massif alpin.. Les fonds sédimentaires de la mer Jurassique remontent, formant un autre massif, fortement plissé, en forme de croissant au nord-est des Alpes. Les monts du Jura sont nés.

À la grâce des roches

Chaîne « jeune », étendue – elle se prolonge en Suisse et en Allemagne -, le Jura s’apparente à la « moyenne montagne ». Avec quelques beaux sommets, tout de même, dont son point culminant le Crêt de la Neige (1720 mètres, situé dans l’Ain) et le Mont d’Or (1463 mètres dans le Doubs), célèbre pour sa spécialité fromagère. Il est composé de roches calcaires, alternant des bancs de marne. Cela forme un paysage dit « karstique », avec une hydrographie bien particulière. Là où le poreux calcaire domine, l’eau s’infiltre et a creusé un réseau souterrain.

En surface apparaissent des dolines – dépressions de terrain provenant de la dissolution du calcaire -, des lapiaz – rigoles et fissures créées par le ruissellement des eaux – et des gouffres. La marne, utilisée depuis la Préhistoire comme matériau de construction, et servant toujours à la fabrication de la craie et du « blanc d’Espagne », comprend, outre du calcaire, de l’argile, imperméable. Là où elle affleure, l’eau resurgit ou stagne.

Des sources et des sauts

Cette particularité explique que, dans les monts du Jura, l’eau nous attend à tous les détours de chemins. Le Doubs y trouve sa source à Mouthe, non loin de la frontière suisse, remonte vers le nord, traverse le lac de Saint-Point, puis celui de Chaillexon, à la sortie duquel il effectue son fameux « saut ».  Une spectaculaire cascade de 27 mètres, après un parcours en méandres enchanteur.

Le Doubs formera ensuite frontière avec la Suisse, puis obliquera brusquement vers l’ouest, à la hauteur de Saint-Ursanne. Chemin faisant, il recevra la Loue, au cours tout aussi fantastique, qui en est en fait une résurgence. La vallée de la Loue se révèle particulièrement charmante entre sa source et Ornans, où elle perd 229 mètres d’altitude en une vingtaine de kilomètres, avec ses villages aux « pieds dans l’eau » surmontés de pentes abruptes et boisées. Sa source, près d’Ouhans, jaillit en une de ces innombrables cascades caractéristiques des impétueux et abondants cours d’eau du Jura.

Non loin de là, à Nans-sous-Sainte-Anne, celle de son futur affluent le Lison n’a rien à lui envier. Il s’agirait aussi d’une résurgence, probablement du ruisseau Château-Renaud, dont on perd rapidement la trace sous terre. Mais le spectacle le plus époustouflant se trouve un peu plus au sud, près de Ménétrux-en-Joux : les Cascades du Hérisson. Cette modeste rivière effectue pas moins de trente et un sauts en moins de 4 km, dont le plus vertigineux, de 65 mètres, est appelé l’Éventail.

On les découvre au long d’un parcours balisé, court mais relativement périlleux. Les Cascades du Hérisson ont été classées site naturel pour ses particularités géologiques et hydrographiques, ainsi qu’en tant que refuge pour de nombreux animaux, dont des migrateurs. La Maison des Cascades accueille ceux et celles qui veulent tout savoir sur ce microsite d’une grande originalité.

Limpides et sereins

Les monts du Jura recèlent aussi des eaux plus calmes, ceux des lacs et des étangs.À la sortie des gorges de l’Ain, le lac de Vouglans est issu d’un barrage créant à la fois une retenue d’eau et un site de loisirs. Non loin, le lac de Viremont présente sur sa bordure orientale des marais exceptionnellement bien fournis en glaïeul, choin ferrugineux, gentiane pneumonanthe et grassette, autour desquels virevoltent des papillons en abondance.
Le lac Saint-Point, juste sous Pontarlier, s’étend dur 6 km à 1000 m d’altitude, dans un apaisant paysage de plateau où dominent les pâturages. Son voisin le lac Remoray, avec lequel il ne faisait qu’un avant que les alluvions du Doubs ne les séparent, appartient à une réserve naturelle de 430 hectares. Celle-ci abrite une grande diversité de milieux naturels : marais, lac, tourbière, rivière, prairie, forêt, gravière. Et, principal attrait, des milieux humides d’altitude.
La profusion de lacs dans le nord du Parc régional du Haut-jura, a valu à cette région le surnom de « petite Écosse ». Lacs de Chalain, de Chambly, du Val d’Ilay, du petit Maclu, de Narlay, de Bonlieu, de Clairvaux, de l’Abbaye… Tous sont insérés dans des écrins de verdure. Dans leurs eaux se reflètent les silhouettes solides des arbres de la forêt jurassienne.

Des forêts majestueuses

Couvrant près de la moitié du territoire, la forêt en représente depuis des siècles la richesse principale. Son exploitation reste soumise à des règles strictes. Dans la forêt domaniale de la Joux, au-dessus de Champagnole, dominent les résineux. Elle appartient à la plus vaste sapinière d’Europe.
La Route des Sapins serpente sur 50 km, et permet de découvrir au printemps une profusion de fleurs sauvages, en automne la magie des feuillages multiples et changeants. En hiver, il faudra souvent chausser les skis ou les raquettes. La forêt domaniale de Chaux, près de Dole, abrite quelques 20 000 chênes et hêtres.
Un sous-sol riche en argile et en silice, et du combustible naturel à profusion, ont permis de développer jadis une importante production de poterie, céramique, verrerie, chaudronnerie. À partir du XXe siècle, seule la sylviculture a subsisté. La désertion des humains a profité à la faune, d’une particulière richesse.

Les derniers félins

En forêt de Chaux s’ébattent librement sangliers, daims et cerfs. Mais aussi des mammifères devenus moins répandus : renards, blaireaux, belettes, écureuils roux… Parmi les nombreuses espèces d’oiseaux, il arrive qu’on aperçoive deux raretés : aigle botté ou pic noir. Les rapaces , en particulier les buses, sont les familiers de ce ciel. Et à la nuit venue, on peut entendre la hulotte ou la chouette effraie.
Plus en altitude, loin des humains qui les ont longtemps persécutés, vivent deux félins. Le lynx, protégé depuis 1979, a été réintroduit dans les Vosges et le Jura. Il semble qu’il se soit installé dans ce dernier massif de façon plus pérenne. Ce solitaire a été victime de sa discrétion : mal connu jusqu’à récemment, on lui a attribué une réputation de tueur, injustifiée puisqu’il ne consomme qu’un kilo de viande par jour, principalement des petites proies qu’il chasse la nuit. Meilleur grimpeur et nageur que coureur, il se trouve à son affaire dans le Jura.

Le chat sauvage entre en activité le jour, contrairement au chat domestique. Ces deux cousins proches ont cependant un évident air de famille et la commune habitude de marquer leur territoire. Le chat sauvage se reconnaît à sa taille légèrement supérieure, sa tête plus large et ses pattes plus longues et puissantes. Son pelage touffu, toujours tigré, ne varie que du gris au fauve. Il arrive que les cousins se fréquentent, voire se croisent, ce qui met en danger le chat sauvage, peu résistant aux maladies du chat domestique. Farouche, quoique moins solitaire que le lynx, il se tient également à l’écart des lieux habités. Il ne craint en principe pas les chasseurs, puisque sa chasse est interdite, mais traverser une route lui coûte parfois la vie.

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