L’Aubrac, un plateau nature unique

Comment l’Aubrac est-il devenu un océan d’herbe parcouru par les troupeaux ? au début – du moins au quaternaire, il y a 500 000 ans – était de glace. Au cours de la période dite « de Mindel », ce qui deviendra l’Aubrac commence à se couvrir d’une vaste calotte glaciaire. Il faudra attendre le Würm, voici 15 000 ans, pour que les choses se mettent à changer. le climat, devenu beaucoup plus doux, fait fondre l’énorme étendue d’inlandsis.

Un nouveau paysage apparaît, fait de blocs arrachés, de sables et de graviers, d’argiles. Dessous la glace, la géologie parle et révèle une histoire encore plus vieille, dominée par le volcanisme. Le socle d’origine – granit, schiste, gneiss – a en effet été largement recouvert, au centre de l’Aubrac, par des coulées de laves basaltiques.

Sur le chemin de Saint-Jacques-de-Compostelle

Et l’homme dans tout cela ? Jusqu’au XIe siècle, l’occupation humaine reste limitée aux zones les plus favorables. la forêt, la grande forêt de hêtres, recouvre presque toute la surface. Mais l’Aubrac est parcouru par des pèlerins en route pour Compostelle, et l’un d’entre eux, le vicomte Adalard, va profondément marquer l’histoire locale.

De passage sur le plateau pour un pèlerinage, il est agressé par des brigands à l’aller, et assiégé au retour par une terrible tempête de neige. Il décide de fonder « une maison de refuge pour le voyageur et de chasser de ces montagnes les voleurs qui l’infestaient. ». Vers 1125, c’est chose faite avec la construction de la Dômerie d’Aubrac, sorte d’abbaye-hôpital qui aurait accueilli jusqu’à 1500 pèlerins par jour.

L’Aubrac connaît alors une révolution de ses paysages. Les moines de la Dômerie, mais aussi ceux d’autres domaines du plateau, lancent un défrichement qui ne cessera plus. Et ils imaginent ce qu’on appellera plus tard les « montagnes », des zones de pâturage dédiées au mouton. Au XIIIe siècle, un nouveau changement considérable : les bovins commencent à dominer le territoire, au détriment des brebis, et les bergers locaux deviennent des producteurs de fromage, ce qui améliore grandement leur niveau de vie. La célèbre vache d’Aubrac pointe le museau. Elle sera labellisée en 1888.

Cinq paysages à la diversité surprenante

Le Haut Plateau est le cœur de l’Aubrac. C’est la partie la plus volcanique, qui s’étend sur des dizaines de kilomètres, de près de 1500 m d’altitude à moins de 1200, des environs de Marvejols jusqu’au bord de la Viadène granitique.

Sur les anciennes laves, une infinité de pâturages presque monotones, entrecoupés de ruisseaux, davantage habités par les vaches d’Aubrac que par les hommes. Quelques gros villages mythiques symbolisent mieux que tout le Haut Plateau : Laguiole, Nasbinals, Saint-Urcize, Aubrac…

La Viadène, au nord-est du Haut Plateau, est un triangle granitique largement bordé par les gorges de la Truyère. C’est une sorte de second plateau moins élevé que l’Aubrac, proprement dit – entre 600 et 900 m-, mais qui s’enchevêtre avec lui.

C’est le pays de la châtaigne et des « ventres noirs », longtemps raillés par les éleveurs de l’Aubrac pour leur pauvreté. Plus qu’ailleurs dans la région, des générations entières de paysans ont dû émigrer vers la ville, essentiellement Paris, dès la fin du XIXe siècle.

Au nord du Haut Plateau, un autre territoire granitique, délimité par deux rivières, la Truyère et le Brès. Situé au sud du Cantal, il raccroche l’Aubrac aux plus vieux massifs d’Auvergne. C’est aussi le grand pays des sources d’eau chaude, qui jaillissent du sol notamment à Chaudes-Aigues -qui veut dire justement « eaux chaudes »- à 82 degrés ou à la Chaldette. Le paysage est idéalement adapté aux troupeaux : à perte de vue, d’immenses ondulations d’herbages entrecoupés, de loin en loin, par des buttes volcaniques.

Le pays de Peyre et d’Apcher, au nord-ouest, est coincé entre Aubrac et Margeride. C’est le pays de la Bête du Gévaudan, entre Saint-Chély-d’Apcher et Aumont. Un pays superbe immortalisé par le film Le Pacte des loups, fait de chaos de basalte, de pâturages, de forêts et bosquets, de ruisseaux et rivières.

Enfin, la vallée du Lot – le Pays d’Olt – et les contreforts de l’Aubrac situés au-dessus, sillonnés de petites rivières qu’on appelle « des boraldes », se jetant directement dans le Lot. Ainsi, la Bonance prend-elle sa source au pied du point culminant de l’Aubrac, le signal de Mailhebiau. Plus bas, auprès du Lot, la douceur du climat permet la présence de la vigne – depuis le Xe siècle au moins – et d’arbres fruitiers.

L’incroyable foisonnement des fleurs

L’Aubrac, cette fois tout entier, abrite une flore exceptionnelle. Pourquoi ? Parce que la région mélange les altitudes, et sait jouer à la fois de la température et de l’humidité. Par chance, les sols ont été enrichis par ces fertilisants naturels que sont les laves et l’humus apportés par des siècles de pratiques agricoles et forestières.

À l’étage dit « subméditerranéen », dans la vallée du Lot, on trouve encore des chênaies pubescentes – le chêne blanc de Provence, dont les feuilles mortes restent en place-, des érables, des chênes rouvres et pédonculés, des orchidées. Juste au-dessus, jusqu’à 800 m d’altitude, commence l’étage collinéen. Les taillis de chênes rouvres y côtoient les châtaigniers, avec le long des cours d’eau des peupliers et des ormes. Les landes sont elles couvertes de callune et de genêts.

Enfin, à partir de 800 m, l’étage montagnard. L’omniprésence de l’eau et d’immenses pâturages utilisés depuis des siècles permettent une diversité floristique maximale. au milieu d’un océan de graminées et de légumineuses – agrostis, trèfle, fétuque -, d’innombrables fleurs des champs. Citons-en quelques-unes : les orchis mâles ou tacheté – des orchidées -, l’œillet des bois,  la gentiane jaune, le compagnon rouge, le lotier corniculé. Sans oublier les fabuleuses jonquilles et les narcisses , qui occupent au printemps des immensités.

Même si la forêt a largement disparu de l’Aubrac, elle couvre encore environ 7000 ha, la plupart gérés par  l’Office national des forêts. Les principales espèces sont le hêtre, avec 80 % des surfaces, et le sapin pectiné, avec 15 %.

Enfin, signalons un milieu extraordinaire et de plus en plus rare en France : les tourbières. Sur l’Aubrac, elles ont profité des dépressions creusées par les glaciers pour s’installer. Elles maintiennent des conditions favorables pour ce que les spécialistes appellent des plantes reliques, qui ont survécu à la fin de l’époque glaciaire. parmi elles, l’andromède et la ligulaire de Sibérie.

Comme un immense nichoir pour les oiseaux

L’Aubrac est un grand pays d’animaux sauvages. Impossible ici de citer tous les oiseaux qu’on peut y observer, mais sachez que dans les alentours d’un village comme Aubrac, on peut par exemple admirer des busards – saint-martin ou cendré – des pipits – spioncelle ou farlouse -, des milans royaux, des traquets – motteux ou des prés -, des vanneaux huppés, des hiboux des marais, des bécassines, des grives – mauvis ou litorne -, des courlis cendrés.

En forêt, il faut ajouter à la liste le choucas, l’alouette, l’autour des palombes ou le hibou moyen-duc. Les tourbières sont très favorables à la foulque, au canard colvert ou au râle d’eau. Les prairies sont le paradis des faucons crécerelles, de la buse variable et du circaète jean-le-blanc. Plus bas, surtout du côté de la vallée du Lot, bergeronnettes, pouillots, fauvettes, mais aussi éperviers et parfois aigles bottés ont leurs habitudes.

Pour ce qui concerne les mammifères, on compte notamment des cerfs, chevreuils, renards, blaireaux, sangliers, mais aussi des putois, belettes, genettes, hermines et fouine. La loutre est bien représentée. Au bord des tourbières, nombreuses espèces de batraciens, comme la grenouille rousse ou le crapaud commun, et de libellules trouvent là leur bonheur.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *