La canal du Midi, balade au fil de l’eau

Situé au cœur de la province du Languedoc, le canal du Midi traverse une grande diversité de paysages. Rien de mieux pour les découvrir de parcourir ses 240 km de berges, à pied ou à bicyclette, ou encore de les longer en péniche.

Relier l’Atlantique et la Méditerranée via la Garonne, on en rêvait depuis l’Antiquité ! L’ouverture d’une route fluviale évitant le contournement de l’Espagne par Gibraltar, réunissait enjeux économique et stratégique. Mais si, de Toulouse à Bordeaux, une voie naturelle existe, le parcours reste à compléter par une voie artificielle. Il faudra attendre le XVIIe siècle et le règne de Louis XIV pour qu’un projet aboutisse.

Grâce à l’ingéniosité et la ténacité d’un homme; Pierre-Paul Riquet, natif de Béziers, qui trouva des solutions à des obstacles jugés insurmontables. Après douze ans de travaux, le canal du Midi fut achevé en 1681. Il reste le plus ancien encore en fonctionnement, même si , depuis les années 1970, la navigation commerciale a cédé la place à la plaisance.

De la source au canal

On s’en doute : qui ambitionne de construire un canal se préoccupe avant tout de son alimentation en eau. Riquet alla explorer la Montagne Noire, où, savait-on de longue date, passait la ligne de partage des eaux. Le captage part à 650 m d’altitude, de l’Alzeau, affluent du Fresquet, lui-même affluent de l’Aude. Récupérant au passage l’eau de nombreux ruisseaux, la Rigole de la Montagne court jusqu’au bassin de Saint-Ferréol.

Pour recueillir les eaux des versants atlantique et méditerranéen, on édifia un barrage remarquable pour l’époque. Le lac artificiel, aux rives agréables, servait et sert encore de réservoir, une précaution indispensable dans une région où la sécheresse sévit fréquemment. À l’aval, on peut toujours observer la gerbe produite par les vains efforts de l’eau pour remonter son cours.

Encore 34 km par la Rigole de la plaine, où se joint le Sor, et on arrive au bief de Naurouze, avec ses deux sorties : vers Toulouse et la Garonne, vers la Méditerranée; Un « pèlerinage » aux sources permet de découvrir la Montagne Noire, massif montagneux situé à l’extrémité sud-ouest du Massif central, dans le département du Tarn. Elle culmine au pic de Nore à 2 010 m. À ses pieds s’étend Mazamet, sa capitale.

Cet ancien massif hercynien doit son nom à la densité de sa forêt. Du moins sur son versant nord, où abondent chênes, sapins et épicéas. Son versant sud arbore la nudité de la garrigue méditerranéenne, ponctuée de châtaigniers et d’oliviers. les Romains en avaient déjà fait une région minière. On y extrait encore de l’argent, de l’or, du cuivre et de l’arsenic. On y exploite aussi des carrières de pierres et des ardoisières.

Au pays de cocagne

Dès la Rigole de la plaine, on pénètre dans le Lauragais. Cette vaste région s’étend d’ouest en est de Toulouse à Fanjeaux, dans l’Aude. le canal du Midi la traverse en son axe central, passant par son joyau, Castelnaudary.
Son charme réside dans sa douceur. À perte de vue, des collines s’étalent nonchalamment, verdoyantes et fertiles. Sa richesse agricole, due à l’abondance des eaux qui l’arrosent et à la clémence du climat, lui a valu le surnom de « Pays de cocagne ».

Autrefois, on trouvait dans cette région ventée de très nombreux moulins, remplacés aujourd’hui par des éoliennes. Au long du canal, on découvre des moulins à eau , qui témoignent du fait que cette construction apporta une nouvelle source d’énergie. Tandis que des bastides nous rappellent une page d’histoire douloureuse, celle des cathares et de leur extermination.

L’utile et l’agréable

D’ores et déjà, on peut observer les arbres qui bordent la voie d’eau, parfois sur une seule rive, souvent sur les deux. À l’origine, on y avait planté des fruitiers, pour récolter leur production bien sûr. Platanes, pins, peupliers et cyprès les ont presque partout supplantés; on leur a assigné des fonctions multiples : consolider les berges grâce à leurs racines ; fournir de l’ombre aux mariniers et à leurs chevaux ; réduire l’évaporation de l’eau ; tapisser le fond de feuilles qui freinent l’infiltration de l’eau dans le sol.

En croisant des cyprès, on sait traverser une région battue par les vents. leur feuillage descendant jusqu’au sol est en effet destiné à faire barrage à leurs assauts. Revers de la médaille, ces plantations occasionnent un lourd travail d’entretien, notamment pour se débarrasser des feuilles de platanes,imputrescibles. Pour éviter l’envasement, qui empêche la progression des grosses péniches, il faut aussi tondre les herbes qui poussent spontanément au fond du canal. Avis aux promeneurs : il est important, pour limiter l’effritement des berges, déjà à l’œuvre , de respecter leur végétation.

Du haut de ces Balcons…

Après Castelnaudary, le canal traverse Carcassonne. Nous pénétrons dans le Minervois, ainsi nommé d’après le nom de son plus célèbre village, Minerve, qui le doit lui-même à la déesse romaine. La région va de la Montagne noire à la vallée de l’Orb.

Faut-il préciser qu’elle est viticole ? Cela se vérifie mieux encore autour du canal. Divers facteurs y concourent : les sols tout d’abord, avec leur alternance de grès érodés et de terrasses caillouteuses ; des températures clémentes ensuite, grâce à la proximité de la mer ; des précipitations équitablement réparties sur l’année, enfin, qui assurent à la vigne une alimentation en eau régulière. On vendange ici deux à trois semaines avant les autres territoires du Minervois.

Peu après Carcassonne, le canal longe l’étang de Marseillette, dans lequel on ne pourra se rafraîchir, puisqu’il est asséché depuis le XVIIe siècle. Des travaux débutés peu après ont installé un système d’irrigation toujours très efficace, qui entretient rizières et vergers.

Au sud s’étend la plaine, où la vigne règne. au nord se déploie l’amphithéâtre formé par « les Balcons de l’Aude ». Ces terrasses datant du quaternaire, constituée de galets, montent rapidement de 50 à 210 m. On y a planté, outre de la vigne bien sûr, des amandiers et des oliviers, qui alternent avec les pinèdes, la lande et la garrigue. Puis on monte vers le causse, avec ses villages perchés sur des rocs calcaires arides percés de grottes.

Méfions-nous de l’eau qui dort

Après Narbonne, le canal aurait pu se hâter vers la mer toute proche, se faufilant entre l’étang de Bages et de Sigean, et la montagne de la Clape. Mais il oblique vers le nord et, sillonnant dans la plaine viticole, sur un parcours émaillé de nombreux ouvrages étonnants et de villages qui méritent une halte, traverse Béziers puis Agde.

Pour atteindre la Méditerranée, il faut encore franchir l’étang de Thau, dans lequel le canal se jette à Marseillan. La navigation n’est pas aisée sur cette vaste étendue (20 km) d’apparence tranquille, qui se déchaîne parfois en spectaculaires tempêtes. On y remorque les bateaux qui souhaitent poursuivre vers Sète.

Les cyclistes devront mettre pied à terre pour explorer les berges de l’étang. Ils contempleront le pittoresque spectacles des « tables » de conchyliculture, activité traditionnelle du lieu, malheureusement rendue plus aléatoire par des problèmes de pollution.

Les plongeurs seront aux premières loges pour vraiment apprécier la remarquable biodiversité de l’étang. Avec un peu de chance, ils croiseront dans ses fonds des hippocampes ou des bigarrés « blennies paons ». Surtout s’ils s’aventurent dans le mystérieux « entonnoir » au large de Balaruc, profond de 30 m, résurgence de la Bise où l’eau reste tiède en permanence.

Nous voilà à Sète. Le voyage finit en beauté dans cette ville sillonnée de canaux, au charme très typé, d’autant plus méditerranéenne qu’on y respire un fort parfum d’Italie.

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