La Camargue, fille du fleuve et de la mer

Cette île en forme de delta, encerclant terres et étangs, est bien connue pour ses taureaux et chevaux sauvages, mais aussi pour ses flamants roses. Mais cette mosaïque d’écosystèmes est le paradis de bien d’autres espèces animales et végétales.

La Camargue montre une morphologie longuement façonnée au cours de l’histoire. Située entre les deux bras du Rhône et la mer Méditerranée, elle s’étend sur une superficie de 145 300 ha au sud de la France. Elle est d’une grande platitude, ne dépassant pas 7 mètres d’altitude, la hauteur maximale des dunes de Beauduc.

La Camargue est le résultat de durs affrontements entre le fleuve et la mer. Tandis que la Rhône, depuis de millénaires, édifie des promontoires, la Méditerranée ne cesse de les modifier. Le vent a également laissé son empreinte, apportant son souffle à la formation des cordons littoraux. On voit de-ci, de-là, émerger des bandes de mer, alignées en parallèles.

Le delta va se dessiner en trois parties : au centre, la Grande Camargue, formée par le Rhône de Saint-Férréol ; à l’ouest du Petit Rhône, la Petite Camargue ; dans le sud-est, le Plan du Bourg, soit la zone comprise entre Beauduc et Port-Saint-Louis-du-Rhône. Sans oublier, au cente, l’étang du Vaccarès.

Un milieu artificiel

Au XIe siècle, l’homme intervient dans le dessein de la Camargue afin de l’isoler des colères du Rhône et de la Méditerranée. Les premiers endiguements ont lieu. ce n’est qu’en 1855 que la digue de la mer est édifiée. Cette construction monumentale va protéger la Camargue contre les assauts de la mer, tandis qu’en 1869, c’est au tour du Rhône d’être solidement endigué. En 1875, un réseau de drainage est tracé dans le delta. La Camargue devient un milieu artificiel. On observe des modifications d’équilibre entre l’apport d’eau douce et les remontées de sel.

À l’issue des années de sécheresse, se profile un début de désertification. Les espèces animales et végétales hébergées en Camargue se modifient. La protection de la faune et la flore va être assurée dès la création de la réserve en 1927. Mais il faudra attendre 1972, pour que l’ État achète les 13 117 ha, consacrés à la réserve naturelle créée officiellement en 1975.

L’une des plus fortes particularités de la Camargue, c’est sa richesse en milieux, et par conséquent, sa grande diversité animale et végétale. Cette mosaïque d’écosystèmes est favorisée par trois éléments : l’eau douce, produite par les pluies et celle d’origine fluviatile ; le sel – les salins de Camargue fournissent 90 % du sel français -; la nature du sol, constitué de limons, d’alluvions et de sable.

C’est en réalité un milieu très particulier où plantes et animaux se sont parfaitement adaptés. Enfin, on pourrait ajouter un quatrième élément, le relief. Lié étroitement au sel, il provoque l’apparition de certaines espèces. En effet, on s’aperçoit qu’en Camargue, une petite motte de 15 cm ne comporte pas la même végétation à la base qu’à son sommet.

Camargue douce et Camargue salée

On distingue deux grands ensembles, la Camargue douce et la Camargue salée. La première ressemble à un paysage fluvio-lacustre. Elle est formée de bourrelets alluviaux et de marais d’eau douce. C’est là que paissent les moutons, au milieu des forêts, pelouses et prairies, et aussi des marais ceinturés de salicornes.

Le second grand ensemble est la Camargue salée, largement ouverte sur la mer par des cordons portant des dunes? Trois milieux s’y regroupent : les sansouires, les étangs et lagunes, les dunes et la plage. La diversité des paysages va de pair avec la variété des espèces. Dans chaque milieu, la faune est différente.

La forêt, située dans la douce Camargue, est habitée d’arbres immenses et majestueux notamment le peuplier blanc, l’ormeau champêtre, le frêne à feuilles aiguës, les troènes, l’aubépine odorante. Cette forêt riveraine, ou ripisylve, héberge un grand nombre d’espèces animales. Le castor s’impose et sa population est nombreuse. Parmi les oiseaux, on rencontre le héron, le pic-vert, le rollier d’Europe, la chouette chevêche. Ajoutons, le milan noir, rapace élégant au vol souple.

Dans les autres milieux doux de la Camargue, où s’étendent les pelouses et prairies, pousse le brachypode de Phénicie où se faufilent la couleuvre de Montpellier et le lézard des murailles. C’est dans ce milieu que s’accumule un véritable plancton aérien, formant une biomasse importante.

Le sel est partout

Les marais bordés de rideaux de saules et de tamaris ne se distinguent pas du reste de la Camargue car ils renferment aussi du sel. Le vent constant, l’importante évaporation, et les arrivées d’eau irrégulières entraînent à cet endroit des variations de niveaux. C’est sur ces zones amphibies, que s’établit un paysage végétal appelé « engagne ». Ce mot désigne à la fois le paysage et la plante qui y pousse telle la salicorne ligneuse. Lorsque dans ce même paysage, apparaissent des croûtes de sel, on parle de « sansouire ».

Que trouve-t-on dans les milieux salés de la Camargue ? Cette partie, encore appelée « laguno-marine », s’ouvre largement sur la mer, autour de l’immense étang du Vaccarès. Si l’homme a construit une digue à la mer de manière à empêcher l’eau salée de pénétrer dans le delta, il reste tout de même du sel.
La raison est liée ç la nature du sédiment. Le sol camarguais, d’origine marine ou lagunaire, est inévitablement riche en sel. Il marque les lagunes et étangs, que l’on connaît sous les noms suivants : Malagroy, Impérial, Monro, Lion, Dame, Fournelt, Fangassier, Galabert. On trouve également des étangs en petite Camargue : étangs de la Ville, Caïtives, Roi, Abbé, Repaus, Malégal, Arameau, Rollan. Leur salinité est variable.

Le royaume des oiseaux marins

L’étang est le refuge d’une grande quantité de coques, petits crustacés. Il est aussi le royaume de l’oiseau marin : la sterne, la mouette, le goéland. Parmi les laridés, citons le goéland railleur, Larus genei. C’est là qu’on peut observer aisément les oiseaux qui fouillent la vase comme les chevaliers et les flamants roses.

En Camargue, le flamant rose peut profiter tranquillement de la nature. Cet oiseau a su s’adapter aux lagunes artificielles créées par l’extraction du sel. Ils sont environ 5000 à former cette étendue rose accrochée au paysage pour l’éternité. Cet oiseau a une méthode de nutrition originale et adopte une attitude particulière.

Il avance lentement, la tête et la majeure partie du cou enfoncées sous l’eau. Le bec est retourné. La langue sert de piston? ainsi l’eau et la boue sont-elles aspirées par sa grande bouche. Trois ou quatre fois à la seconde, il refoule l’élément liquide à travers des lamelles filtrantes. Le bec dans sa partie supérieure fait office de râteau. On voit alors le flamant, de son cou gracile, effectuer le mouvement de va-et-vient, décrivant un S. Il récolte à la surface de la vase crevettes et mollusques, piétinant dans l’eau profonde, nageant ou se dandinant comme un canard; Le flamant rose fait la fierté de la région, et sa couleur, qui contraste avec le bleu du ciel, ne saurait manquer à la palette.

La sansouire à salicorne

Le rivage est bordé d’arbustes âgés de plusieurs siècles. Il s’agit des genévriers de Phénicie, dont le tronc peut atteindre plus de 30 cm de diamètre. Ces arbustes servent de support à des lianes telles la salsepareille, la garance et l’asperge. Mais la végétation la plus caractéristique de la Camargue est la sansouire à salicorne.

Autour des pâturages, dominent le peuplier blanc, le saule blanc, sans oublier le tamaris. C’est non loin de ces arbres que vont brouter les chevaux blancs, une centaine environ, qui vivent encore à l’état sauvage au sein de cette splendide région connue pour son silence, ses grands espaces, ses étangs, ses langues de terre rose.

Sobres, vivaces, agiles et courageux, les chevaux blancs de Camargue sont des experts en survie, capables d’avancer au petit galop dans la vase qui leur arrive au ventre. Vigoureux et persévérants, ils courent dans la tempête – de pluie ou de neige-, dos au vent, tête basse, attendant l’accalmie. Lorsque le tourment du ciel s’achève, le cheval se remet à l’œuvre.

En réalité , le cheval de Camargue, que l’on croise aujourd’hui, n’est pas très différent du cheval qui habitait le sud de la France, à l’époque de la préhistoire. Il a toujours cette rusticité forgée par la nature et aussi par l’élevage extensif à l’air libre car l’action de la terre, du climat et de la végétation a modelé sa morphologie.

Les taureaux sauvages

Le « camargue », comme on l’appelle, a dû s’adapter au milieu peu hospitalier du delta du Rhône, affrontant constamment des conditions climatiques très rigoureuses. Sas sabots très durs lui garantissent une exceptionnelle résistance à l’humidité. Avec le taureau, il partage depuis toujours les marais du Delta du Rhône. Ils broutent côte à côte, à tel point que le cheval a développé un énorme feeling – vis-à-vis du bovidé- ce que l’on appelle le cow-sense. C’est ainsi qu’il a l’art de dresser les taureaux pour se faire toujours respecter.

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