Brocéliande, la forêt mythique

À trente kilomètres de Renne, s’étend la plus mythique et la plus grande forêt de Bretagne. Les poètes ont fait de Brocéliande, le rendez-vous des fées, du roi Arthur, de l’enchanteur Merlin. Les landes et les futaies restent marquées à jamais par leur souvenir.

Si le nom de Brocéliande nous est familier, pour découvrir cette forêt que la légende a fait demeure de Merlin l’Enchanteur, cherchez plutôt forêt de Paimpont sur une carte, c’est son vrai nom. Avec une superficie de 7 000 ha, elle reste la plus grande forêt de Bretagne, s’étirant entre Ille-et-Villaine et Morbihan. Cela dit, tout le monde connaît Brocéliande. C’est là que se déroule la fameuse épopée du roi Arthur et de ses chevaliers de la Table ronde.

Pour bien comprendre, il faut remonter loin dans l’histoire bretonne. Vers le Ve siècle après J.-C. des tribus celtes venues de l’actuelle Grande-Bretagne franchissent la Manche, sans doute pourchassées par les Scots et les Pictes. Ces premier Bretons maintiennent des liens profonds et des échanges culturels puissants avec l’île d’où ils sont venus, ce qui explique bien des choses.

Le mythe de Brocéliande serait né au XIIe siècle, quand le poète anglo-normand Robert Wace écrit  -vers 1155 – Le Roman de Brut, dédié à Aliénor d’Aquitaine. Il y raconte la légende du roi Arthur en y ajoutant des inventions de son cru, mêlant traditions celtiques et Table ronde. surtout, il se rend dans la région de Paimpont, affirmant que des fées y ont été vues et que les eaux d’une fontaine extraordinaire, Barenton, réalisent des prodiges.

C’est à Brocéliande que Merlin aima Morgane

Ce texte inspira Chrétien de Troyes, auteur d’un fameux texte – Le Chevalier au lion – dans lequel il présente la forêt comme un territoire de légendes et d’aventures. Brocéliande est née de cette lointaine imagination. Au fil des siècles, romans et pièces de théâtre ajoutent quantité de précisions à ce récit. l’enchanteur Merlin serait revenu finir sa vie à Brocéliande, où il serait tombé amoureux de Morgane, la sœur d’Arthur.

Viviane, Lancelot, Guenièvre, auraient parcouru la lande et les bois de Brocéliande au cours de leur histoire. Mais n’oublions pas le réel. Ce territoire est habité, d’après certains éléments archéologiques, depuis au moins 7 000 ans. Les traces les plus nombreuses – pierres levées et allées couvertes, ainsi que les restes de foyers, d’habitations, de cuisine même – remontent à 4 500 ans. Les premières routes régulières connues remontent à l’occupation romaine.

Le massif de Brocéliande était ainsi contourné par une voie romaine très fréquentée, qui reliait Rennes à Carhaix. Mais d’autres routes plus locales traversaient la forêt, comme celle conduisant de Rennes à Vannes par Plélan et Guer. Au total, depuis une vingtaine d’années, pas moins de 600 habitats gaulois et gallo-romains ont été découverts autour de la forêt d’aujourd’hui.

Au royaume des forges géantes

La forêt actuelle est une relique d’une sylve bien plus ancienne: au néolithique, la presque totalité de la Bretagne actuelle était couverte par une forât très dense.Ici, comme ailleurs, les hommes ont défriché sans discontinuer pendant des centaines d’années au moins. On estime qu’au VIIe siècle de notre ère, à l’époque du roi Judicaël, Brocéliande couvrait encore 200 000 ha. Mais huit cents ans plus tard, elle n’atteignit plus que 22 500 ha. Un document de 1467 – la charte du comte de Laval – atteste cette surface et réglemente au passage les droits de pacage et de ramassage du bois de feu.

Mais les paysans locaux ne sont pas les seuls responsables du déboisement. Pendant tout le Moyen Âge, des forges vigoureuses ont existé en forêt, nécessitant des quantités croissantes de bois pour la fabrication du charbon nécessaire aux fours. La ville de Paimpont a longtemps dû son prestige à ses forges géantes, surtout au XVIIe siècle. À cette époque, elles rivalisaient avec les meilleures installations européennes dans la fabrication de fers et de fontes. Cette activité a laissé de nombreuses traces, jusque dans le nom des lieux, comme le village des Forges ou le château des maîtres des Forges.

Difficile d’imaginer pareille activité dans des lieux aussi bucoliques. Il suffit pourtant de se reporter à de vieux textes pour comprendre à quel point la métallurgie a été essentielle.

Un territoire colonisé par les pins

Cette longue histoire permet de mieux comprendre l’état actuel de la forêt de Brocéliande. Les futaies de jadis, ces merveilleuses cathédrales faites de hauts chênes et de hêtres géants, ont le plus souvent disparu. Quand le bois ne partait pas au feu, il était souvent accaparé par la Marine nationale, perpétuellement à la recherche de mâts pour ses navires.

Si l’on ne trouve plus beaucoup de grands chênes à Brocéliande, les pins, en revanche, sont devenus des espèces les plus communes. Or, il ne s’agit pas d’espèces locales. À la fin de l’époque napoléonienne, les forêts de France étaient partout ruinées, réduites à une surface que nous jugerions aujourd’hui ridicule. Un vaste plan national de reboisement, soutenu notamment par nos tout premiers ingénieurs forestiers, a heureusement permis d’inverser le courant.

À Brocéliande, où n’existait aucun vrai résineux, mis à part des ifs et du genévrier commun, ce plan a pris la forme de vastes plantations de pins maritimes et sylvestres, ces derniers étant facilement reconnaissables à leur écorce rousse. Depuis, d’autres arbres ont été semés, en particulier des épicéas après la Seconde Guerre mondiale. Gagnée par les ajoncs et les bruyères, elles sont hélas menacées par des incendies à répétition.

Des surprises naturalistes

Pourtant, grâce à son altitude relativement élevée pour la région – 256 m au point culminant -, qui favorise les vents venus de l’Ouest, Brocéliande dispose d’un climat océanique très proche des côtes finistériennes? Les pluies régulières et fréquentes permettent à la végétation et aux ruisseaux de prospérer.

La faune reste assez commune, mais nombreuse. Du côté des mammifères, outre les sangliers, cerfs et chevreuils, la forât abrite renards et blaireaux. les oiseaux forestiers sont au rendez-vous, comme les mésanges, roitelets, hulottes, pics et buses. Au bord des étangs ou cachés dans les roselières, on peut aisément voir poules d’eau, pouillots et bouscarles, de même que des hérons cendrés en train de pêcher. Enfin, n’oubliez pas les batraciens, crapauds, salamandres, grenouilles, qui sont nombreux au printemps dans le moindre trou d’eau.

Ajoutons quelques mots sur les surprises naturalistes du lieu. Notons par exemple la présence du rouge-queue à front blanc, de la loutre, du triton crêté, du grand rhinolophe, du vespertillion de Bechstein, de la barbastelle – les trois derniers sont des chauves-souris – ou encore du damier de la succise, un papillon.

Côté flore, de belles raretés vivent dans les tourbières des fonds de vallons, et autour des étangs, avec le flûteau nageant et le coléanthe délicat.

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