Bonifacio, des paysages merveilleux

À structure géologique exceptionnelle, faune et flore exceptionnelles… Bonifacio et son plateau ne reçoivent pas par hasard de plus en plus de visiteurs. Un succès qui, bien sûr, oblige les amoureux de la nature à se montrer vigilants.

La situation à l’extrême pointe sud de la Corse fait de Bonifacio la commune la plus méridionale de la France métropolitaine. Le détroit des Bouches de Bonifacio, large de 14 km, la sépare de la Sardaigne. Mais ce n’est pas sa seule spécificité : le plateau calcaire sur lequel la cité est bâtie constitue une enclave géologique dans un massif granitique, et une exception en Corse. Cela lui vaut l’appellation de « causse ».

Du haut de ces falaises

Sur les 13 000 hectares de territoire, un tiers est exclusivement constitué de calcaire, le reste est de granit. la fusion entre les deux roches, qui s’est lentement étirée sur le temps, agrémente un paysage déjà fort spectaculaire. Bien que peu élevé, le plateau offre un superbe panorama sur la ville, la Méditerranée, les Bouches de Bonifacio et la Sardaigne toute proche. On peut en jouir en suivant le sentier pédestre qui longe les falaises calcaires, à plus ou moins 65 mètres d’altitude.

Les sentiers de randonnées, les chemins de découverte bordés de murs de pierre, sillonnent d’ailleurs nombreux le plateau, à travers une végétation de type méditerranéen souvent dense : chênes verts et chênes lièges,arbousiers, les odorants cistes – dont le nom corse « macchia » a donné maquis , étendue plantée de cistes -, genévriers, dont le genévrier de Phénicie, reconnaissable à son feuillage en écailles et non en épines, et myrtes.

Et des espèces plus rares, qui appartiennent aux espèces endémiques des îles méditerranéennes : le statice à rameaux raide, la pivoine corse aux très grosses fleurs roses, le Pancratium d’Illyrie aux grosses ombrelles de fleurs blanches, l’ortie altrovirens dont les feuilles poilues et dentelées pointent vers le haut, l’épiaire poisseuse qui forme des buissons épineux… Bref, une flore exceptionnelle, précieuse, et comme la majeure partie de la flore corse, protégée.

Des animaux et des humains

À condition de se montrer un promeneur discret, on pourra observer quelques spécimens de la faune locale, peu variée du fait de l’insularité mais souvent originale. Des reptiles : phyllodactyle d’Europe, un lézard, et peut-être même gecko, tortue d’Hermann. Des oiseaux marins : hérons, martins-pêcheurs, cormorans huppés, puffins cendrés, goélands d’Audouin…

Des sangliers, dont il vaut mieux se tenir à distance ! Un charmant papillon appelé porte-queue, localisé en Corse et Sardagine. Et la nuit, deux espèces de chauve-souris : le petit rhinolope et le Vespertilion de Capaccini.

On découvrira de surcroît un patrimoine rural patiemment méditerranéen et soigneusement entretenu par des Bonifaciens attachés à la préservation de la mémoire des lieux. Les baracun avaient pour mission d’abriter bergers, cultivateurs et voyageurs : ce sont des cabanes en pierres sèches, l’équivalent des capitelles du Languedoc, des cajolles du Périgord ou encore des cabanouns de Provence. Voûtées par encorbellement, on les appelle en bonifacien cella.

Les tramizi protègent toujours du vent les cultures et les arbres : ce sont des murets de pierre; Faut-il préciser que ces constructions précieuses méritent le plus grand respect ?

Vu de la côte

En contre-plongée depuis la mer, la vue n’impressionne pas moins, avec la citadelle perchée en haut des falaises calcaires blanches stratifiées, abruptes et découpées. L’abondance de criques empêchent de longer durablement la côte à pied – 70 km au total sur le site. Il existe cependant un chemin de balade au départ du port de plaisance, qui passe par la crique de Catena, la calanque de Fazio, puis devant la crique de l’Arinella, pour aboutir à la plage de Paraguan. mais pour découvrir les multiples attraits de cette côte enchanteresse, mieux vaut emprunter un bateau.

En de nombreux endroits, la mer a creusé le fragile calcaire. Deux grottes se signalent particulièrement à l’attention des visiteurs : la grotte marine du Sdragonatu ( le dragon), avec son passage marin sous voûte et son échancrure en forme de Corse ; la grotte Saint-Antoine, dite aussi grotte Napoléon, à cause de son entrée en forme de bicorne. Non loin de là, le célèbre « Grain de sable », est un bloc calcaire détaché de la côte, cylindrique quoique rétréci à sa base par l’érosion. Visible depuis la citadelle, il impressionne encore davantage vu du ras de l’eau.

Avec ses 189 marches à flanc de falaise, l’Escalier du Roi d’Aragon constitue lui aussi une curiosité. la légende raconte qu’il fut creusé en une nuit par les soldats d’Aphonse V durant le siège de la citadelle en 1420. Mais la présence d’une source à son pied accrédite une thèse plus vraisemblable : sa réalisation par des moines franciscains, sur un temps plus long.

Attention, trésor !

Pour se remettre de ses émotions, de très belles plages – la Rondinara, Balistra, les Golfes de Santa manza, du Canetto et du Petit Sperone…-, accueillent le visiteur. Les dépliants touristiques qualifient leurs eaux de « cristallines ». À juste titre. On s’émerveille de ce festival de couleurs, le bleu éclatant contrastant sur le blanc des falaises. On peut en outre raisonnablement penser que les eaux sont saines, puisque placées sous la haute surveillance de la Réserve Naturelle des Bouches de Bonifacio, qui surveille la navigation, préserve et entretient les côtes et réglemente les activités nautiques en tout genre.

Non averti, on déplorera peut-être la présence d’amas grisâtres de feuilles sèches qui évoquent des déchets. Il faut se garder de faire place nette ! Il s’agit en fait de banquettes de posidonies. La posidonie n’est pas une algue, mais un végétal provenant de vastes prairies sous-marines qui s’étendent jusqu’à la profondeur de 35 à 40 m, formant un herbier. La vigueur de ses rhizomes n’empêche pas la houle d’arracher ses feuilles par gros temps. Celles-ci remontent alors à la surface et viennent s’échouer sur les plages.

Espèce endémique en Méditerranée, protégée au niveau européen, la posidonie fournit une grande partie de l’oxygène nécessaire à la respiration des animaux sous-marins? Elle sert d’abri et de garde-manger aux larves et alevins de crustacés. En milieu sous-marin, ses rhizomes piègent les sédiments, améliorant la transparence des eaux. Les banquettes de feuilles échouées abritent quantité de petits invertébrés, et stabilisent le rivage en la protégeant de la houle et de l’érosion.

Au paradis des plongeurs

Le parc marin réserve aux plongeurs, en dépit des restrictions auxquelles ils sont soumis, de belles surprises : abondance de grottes sous-marines, de corail, de mollusques rares comme la patelle géante, de gros mérous… Les chanceux croiseront des grands dauphins. Mais la prudence s’impose à ceux qui s’aventurent vers l’îlot rocheux Sperdito : des barracudas rôdent !

Le parc comprend l’archipel des îles Lavezzi, à une dizaine de kilomètres au large de Bonifacio, un regroupement de chaos granitiques. C’est peu dire que de qualifier ces terres d’arides ! Des criques de sable fin se dissimulent derrière des amas rocheux. De grandes et splendides plages évoquent les tropiques. Des sentiers serpentent dans un maquis d’une densité et d’une sécheresse extrêmes – dont il est d’ailleurs interdit de s’écarter, sauf à se transformer en lézard ou en gecko pour se joindre aux nombreuses colonies qui y ont élu domicile.

Point d’arbres en ces lieux, mais des plantes basses méditerranéennes, auxquelles se mêlent quelques espèces africaines. Une pyramide et deux cimetières commémorent un drame de la mer qui a marqué les mémoires : le naufrage de la Sémillante en 1855, dans lequel périrent les 750 passagers et membres d’équipage. Une façon de rappeler que les Bouches de Bonifacio, si paradisiaques semblent-elles, entrent parfois dans de très violentes colères.

En automne et au printemps, la mer fait quelques incursions sur les terres. Elle crée des mares temporaires, peu profondes, plus ou moins étendues, qui s’assèchent au début de l’été. Contrairement à ce qu’on pourrait penser, des espèces végétales et animales sont parvenues à s’adapter à ce milieu particulièrement difficile. On s’en doute, il s’agit d’espèces rares.

Côté végétaux : la pililaire délicate, l’isoète à voile ou encore la littorelle à une fleur. Côté animaux : des invertébrés aquatiques spécifiques, des petits crustacés et amphibiens comme la rainette arboricole de Sardaigne, le crapaud vert, la grenouille de Berger et le discoglosse sarde, qui viennent s’y reproduire. On y rencontre aussi des oiseaux nicheurs – alouette lulu, fauvette sarde, fauvette pitchou, pie-grièche écorcheur- et des oiseaux d’eaux visiteurs – échasse blanche, aigrette gazette, héron cendré, héron pourpré, bécasseaux, chevaliers, canards…

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